Trente-deux ans après, que reste-t-il de Franco Luambo?
Namur, jeudi 12 octobre 1989, un coeur cesse de battre à l’hôpital de Mont Godinne… Sur le continent africain, et particulièrement au Zaïre (redevenu plus tard République démocratique du Congo), la nouvelle du décès de ce monstre sacré de la rumba nationale résonne tel un tonnerre dans les oreilles de ses nombreux fans ! Le président Mobutu décrète vite un deuil national de trois jours, et lui organise des obsèques dignes de son rang au Palais du peuple! Trente-deux ans après, que reste-t-il de Luambo Makiadi dit Franco de Mi Amor? Gros plan sur l’héritage de celui qu’on appelait avec fascination et effroi mêlés « Grand Maître »…
Siège à partir de la fin des années 1970, de l’OK Jazz, l’orchestre que Franco a fondé officiellement, le 6 juin 1956, avec des compagnons de Kinshasa, alors Léopoldville (Vicky, Rossignol) et de Brazzaville (Essous, Desoin, Delalune, Pandi), l’immeuble « Un, deux, trois » domine toujours le ciel de la commune de Kasa-Vubu, au croisement des avenues Gambela et Enseignement ! Son fils, Emongo, essaie tant bien que mal de faire revivre ce lieu sacré qui attirait des touristes de quatre coins du continent africain pour savourer les phrasés peu communs de la guitare du génie rebelle… En effet, depuis plusieurs lustres, l’OK Jazz a repris du service avec de jeunes chanteurs… Un album est même annoncé depuis une année !
Mais, l’héritage de Franco ne se mesure pas seulement à la perpétuation de son groupe mythique par son fils… Déjà Lutumba Simaro, un de ses fidèles lieutenants, a tenté la même entreprise avec son orchestre, Bana OK… Décédé il y a un peu plus d’une année, le poète tel qu’on le surnommait avait déjà déjà désigné son successeur: Manda Chante (un ancien chanteur de Wenge Musica 4X4 Tout terrain)! Le son OK Jazz survit sur la scène congolaise à travers ce groupe… Mais aussi à travers les dissidents de Bana OK n’ayant pas apprécié le choix porté par Simaro sur Manda Chante… Ils ont créé Bana Odemba, lesquels se produisent chaque dimanche sur l’avenue du Stade, à Matonge.
En 1984, de retour au Zaïre après avoir passé quelque temps en France et en Belgique, il compose ‘Mario’. Cette chanson raconte l’histoire d’un homme qui séduit des femmes plus vieilles pour vivre à leur crochet.
Odemba, le mot est lâché ! C’est cette façon originale de Franco Luambo de jouer la rumba congolaise, et reconnaissable entre mille… Elle a fait école au pays comme sur le continent grâce notamment à son tube, « Mario », qui, de l’avis de Emongo, est la chanson congolaise la plus célèbre à l’international après » Indépendance cha cha »… Ce qui n’est pas loin de la vérité ! Le son Odemba apparaît en effet dans la discographie de Ferré Gola et surtout dans celle du Karmapa… Ce dernier va jusqu’à revendiquer le statut du « nouveau Franco » non seulement par rapport à son style musical, mais aussi par l’écriture satirique des chansons… Illustration faite à travers « Caligula », » Mama Yemo » et tout récemment « IGF », trois chansons pamphlétaires rappelant et la technique de chant, et la guitare de Franco!
Trente-deux ans après, de nouveaux phénomènes de société surgissent en même temps se poursuit le cirque des politicards, et Franco s’invite pour les restituer à sa manière: sulfureuse, légère, rebelle! Ses successeurs seront-ils à la hauteur? Ils leur manquent encore cette audace suicidaire et cet humour acide en particulier, lesquels caractérisaient… le Grand Maître ! Sans doute dus à son parcours mouvementé…
T. N.