États-Unis: se souvenir de Mohamed Ali sur fond de colère noire!

Mohamed Ali en 1966 à Chicago. Photo Thomas Hoepker. Magnum Photos

 Sur fond de vives tensions raciales suite à la bavure policière sur George Floyd, ayant entraîné mort d’homme, l’Amérique se souvient de Mohamed Ali… Et le monde avec elle! Mort le 3 juin 2016 à Phoenix (Arizona), ce boxeur d’exception s’est révélé aussi un héros de la lutte contre la discrimination raciale et d’autres formes d’injustice. Son aura avait largement dépassé les limites du ring… Hommage à l’un des plus grands personnages du XXème siècle. Une légende!

Né le 17 janvier 1942 à Louisville (Kentuchy), Cassius Clay porte le nom d’un général blanc, Cassius Marcellus Clay. Un jour de 1954, il surgit dans une salle de boxe, en se confiant au coach qui est aussi un officier de police. «On a volé mon vélo, trouvez-le moi, et je le rosserai!», s’écrie le garçon. Séduit par sa détermination, l’homme lui lance: «Apprends d’abord la boxe, et ensuite tu pourras te venger!» Le petit Clay fréquentera désormais cette salle de boxe de façon assidue. Il est, à 18 ans, champion olympique des mi-lourds aux Jeux de Rome en 1960. Chez les amateurs, son palmarès est impressionnant, avec 100 victoires pour 108 combats!

 

Cassius Clay, et plus tard Mohamed Ali, à San Francisco en 1962.

Quatre ans plus tard, Cassius Clay, 22 ans, affronte Sonny Liston, 32 ans, pour le championnat du monde des poids lourds. A la surprise générale, c’est le jeune appolon qui pousse son aîné à l’abandon avant la reprise du septième round. Le nouveau dieu des poids lourds est né à Miami! Et il se convertit, quelques semaines plus tard, à l’islam, et devient Mohamed Ali. «Cassius Clay est un nom d’esclave, s’explique-t-il. Je ne l’ai pas choisi, ne l’ai pas voulu. je suis Mohamed Ali, un nom libre, et j’insiste pour que les gens l’utilisent quand il parle à moi et de moi!»

En 1967, Ali est appelé sous le drapeau pour accomplir son service militaire au sein de l’armée américaine engagée dans la guerre du Vietnam. Au nom de sa foi, il refuse catégoriquement, et déclare: «Je n’ai rien contre les Vietcongs; aucun Vietnamien ne m’a jamais traité de Nègre!» Le champion du monde est condamné à cinq ans de prison et à une amende de dix mille dollars. Il ne sera pas incarcéré, mais sa licence sportive et son titre lui sont retirés. Ali s’emploie alors à défendre farouchement les droits civiques, aux côtés de Malcolm X ou de Martin Luther King, et il est finalement blanchi par la Cour suprême en 1971.

«The Rumble in the jungle»

 

1974 “Rumble in the Jungle” in Kinshasa, Zaire. (Neil Leifer/SI)

Le 30 octobre 1974 à Kinshasa, Ali, 32 ans, défie le nouveau champion du monde des poids lourds, le superpuissant invaincu, George Foreman, 25 ans. «Foreman est lent comme un train de marchandises», ironise le boxeur de Louisville. Pourtant, Ali ne pique plus comme une abeille, ne danse plus comme un papillon! Il en est conscient, et adoptera une stratégie pour fatiguer son adversaire, en le laissant venir sur sept rounds, avant d’exploser au huitième… Foreman est envoyé au tapis! A 32 ans, Ali redevient «The Greatest» dans un mémorable combat surnommé «The Rumble in the jungle (le grondement de la jungle)» Sans doute le combat le plus emblématique de sa carrière! Le 15 février 1978 à Las Vegas, Ali, 36 ans, perd son titre aux points face à Leon Spinks, 24 ans, après l’avoir défendu dix fois de suite. Deux ans plus tard, il perd de nouveau face à son ancien sparring-partner, Larry Holmes, au dixième round. C’est la première fois qu’il perd avant la fin du match. Pour son coach, Angelo Dundee, «le petit jeu est terminé, il faut arrêter!» En 1981, Ali range définitivement ses gants. Après vingt-un ans de professionnalisme, son bilan exceptionnel est de 61 combats, 56 victoires dont 37 par KO, et de seulement 5 défaites!

 

 

Sur le ring diplomatique

Diagnostiqué, en 1984, de la maladie de Parkinson, suite à des centaines de coups encaissés tout au long de sa carrière, Ali continuera toutefois à en donner cette fois-ci sur le ring diplomatique. Pour le compte du président américain Jimmy Carter, il parvient à persuader le Liberia et le Kenya de boycotter les Jeux olympiques de Moscou après l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique en 1980. Fin négociateur, Ali vole au secours de 15 otages américains retenus en Irak. Reçu à Bagdad par Saddam Hussein, il obtient leur libération, après quelques jours des négociations.

Mohamed Ali aura transcendé son sport comme personne avant et après lui, révolutionnant la façon de combattre des poids lourds. Grâce à son charisme et son bagou, il aura à la fois embarrassé et fasciné l’Amérique, retrouvant en Afrique son plus grand public… Enfin, face à la reconnaissance tardive de l’Amérique, il va déclarer dans ce style qui a fait sa réputation: «Dans cent ans, ils diront que j’étais blanc…C’est ce qu’ils ont fait à Jésus!» 

 

Mosesglo & Ben Dieud Lovua

 

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