Vainqueur du Prix Seedstars World Best Edtech Startup en avril 2019 à Genève, grâce à son concept Schoolap, le directeur général d’une startup du même nom, Pascal Kanik, 34 ans, ambitionne de faire un enseignement de qualité à tous et pour tous les écoliers congolais avec le même type de contenu pédagogique via ou hors réseau Internet… Il fait part ici des réalités auxquelles il est confronté dans son pays, la République Démocratique du Congo (RDC), et surtout de la confiance dont il jouit désormais de nouvelles autorités congolaises… Entretien avec l’une des figures de proue de l’écosystème startup en Afrique subsaharienne.
Comment en êtes – vous arrivé à Schoolap?
Juste après mes études de math-infos à l’Université de Kinshasa, j’ai directement entamé ma carrière professionnelle chez un gros opérateur téléphonique de la place, d’abord dans la Distribution et Vente; puis en tant que stratégiste et analyste.
Je me suis ensuite lancé à titre privé dans l’entrepreneuriat, car je suis, depuis 2017, le co- fondateur et directeur général de Schoolap, une plateforme numérique destinée à mutualiser des contenus pédagogiques.
Schoolap offfre donc les applications Web pour les éducateurs, les écoliers et leurs parents… On y trouve en effet plusieurs services : un moteur de recherche, une sorte de Google scolaire, et des contenus pédagogiques identiques pour tous les enseignants, ainsi que des données de gestion administrative des écoles. Il s’agit donc, dans le contexte congolais, d’une solution somme toute révolutionnaire, plébiscitée d’abord par le concours de Kinshasa Digital Startup Contest en septembre 2018 ! C’était en fait l’étape congolaise du concours mondial de Seedstars World, destiné aux startups de plus de 70 pays, pour in fine soutenir financièrement les entreprises en phase de démarrage les plus méritantes… C’est en avril 2019 que Schoolap remporte le Prix Seedstars World Best Edtech Startup, avant de gagner un mois plus tard le Prix du Jury « Innovation pédagogique » à Paris…
Quelles sont alors les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du projet Schoolap?
Je reconnais qu’au début c’était particulièrement difficile dans un environnement socio-économique marqué par plusieurs facteurs décourageant systématiquement l’entrepreneuriat privé… Le climat des affaires hostile entre autres… Et même déjà au niveau de nos familles et de nos amis, la tendance n’est pas de nature à vous encourager… Mais, nous n’avons jamais renoncé à notre rêve, nous nous sommes battus, et avons pu surmonter bien des obstacles jusqu’à obtenir enfin un financement.
A ce stade, êtes-vous satisfait de votre parcours?
Je ne peux le dire ainsi… Certes, nous avons franchi certaines étapes non moins importantes; mais, en toute franchise, on n’a encore rien accompli.
Je parlais d’atteindre les objectifs au niveau de l’entrepreneuriat dans notre projet, car nous sommes le premier à relever les fonds, chose qui n’a pas encore été fait dans d’autres structures de ce type. Ceci n’est pas extraordinaire, mais c’est important. Un autre fait tout aussi important est la reconnaissance officielle devant la nation congolaise par le Chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi (ndlr : celui-ci le cite dans son discours sur l’état de la Nation comme un des modèles des intelligences congolaises)… Une vraie consécration pour mon équipe et moi. Une reconnaissance aussitôt suivie de la mise en place d’une structure avec son conseiller spécial en charge du numérique, Dominique Migisha, devant matérialiser ce gigantesque projet qu’est Schoolap…
Quelle a été votre réaction à chaud lorsque le Président de la République vous cite devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès?
Personnellement, je ne l’ai pas suivi en live (rires)… J’étais dans une conférence avec les étudiants de l’Université Protestante du Congo (UPC). C’est en ouvrant mon téléphone que je reçois alors plusieurs messages de félicitations provenant de toutes parts… Une fois chez moi, j’ai eu enfin le temps de suivre la rediffusion de ce discours. Sincèrement, c’est une véritable consécration, une fierté légitime qui, chaque jour, nous encourage à aller de l’avant, à donner le meilleur de nous! Auparavant, le Président de la République nous avait reçus dans son bureau, et nous avons eu le temps de discuter avec lui pendant une quinzaine de minutes… Il nous avait rassuré de compter sur lui pour promouvoir le génie congolais, l’intelligence locale à l’international.
Vous avez parlé du Chef de l’État, mais qu’en est-il de Schoolap au niveau du Ministère de l’Enseignement qui doit en être le tout premier bénéficiaire?
À ce jour, nous travaillons déjà en étroite collaboration avec le Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire, Professionnel et Technique… Nous collaborons aussi avec la nouvelle Division des Nouvelles technologies de l’information et de la communication. Comme nous diffusons l’enseignement en formation digitale, cette structure nous encadre et nous appuie techniquement.
Avez- vous songé aux écoliers des contrées les plus reculées de la RDC?
Effectivement, notre travail consiste justement à aller plus en provinces, dans les zones rurales, les zones déconnectées, qu’à rester seulement à Kinshasa ! Schoolap a mis au point sa propre tablette pouvant être utilisée sans connexion Internet et avec un dispositif de recharge scolaire. Il s’agit de réduire autant que possible la fracture numérique entre les écoliers de la capitale, et ceux des provinces, Fracture génératrice de beaucoup de frustrations pour ces derniers. Face à la carence, voire l’absence des bibliothèques à l’intérieur du pays, nous avons jugé bon de mettre à leur disposition les encyclopédies électroniques. Schoolap vise au final un enseignement de qualité et d’égalité entre écoliers du Congo, une éducation pour tous ! Plus d’un million d’élèves sont déjà recensés dans la plateforme Schoolap… Et le travail se poursuit!