Franco, le génie rebelle de la guitare!
Né le 6 juillet 1938 à Sona Bata dans l’actuel Kongo Central, François Luambo Makiadi Lokanga La dju Pene était à la fois guitariste, auteur-compositeur, chanteur et chef d’orchestre. Mais, fragile et mince comme une cure-dents, François, âgé de dix ans, vit mal le décès de son père, Joseph Emongo; car sa mère, Hélène Mbonga Makiese, est aussitôt répudiée par sa belle-famille. Commence alors la vie de bohème pour cette mère de trois enfants…
Le petit François abandonne ses études en 3ème primaire à l’école Et Georges de la commune de Kintambo… Déjà surnommé « le fou » pour son comportement espiègle par ses condisciples de classe, il s’engagera dans la rue comme dans une nouvelle école et un exutoire à la fois! Plus tard, pour gagner sa vie, il choisit d’aller nettoyer le studio d’enregistrement, Loningisa. Ayant auparavant appris à jouer à la guitare en la volant de temps en temps à un voisin, Ebengo dit Dewayon, François va petit à petit sa technique grâce à l’apport de son cousin Albert Luampasi… Bercé constamment par les sons de guitare des musiciens de Loningisa, il découvre qu’il est enfin là où il devait être ! Un jour, le patron du studio, le Grec Papadimitriou, le surprend en train de gratter à la guitare, et lui confie ceci: « Tiens, mon petit bonhomme, tu es promis à un bel avenir!!! » Et il lui fera cadeau de cette guitare… Celui-ci la reçoit alors un peu comme Moïse recevant les Tablettes de la Loi! C’est, en 1953, le début d’une carrière immense, mouvementée, …
Rebelle, malicieux, taquin!
Franco est considéré, de l’avis général, comme l’une des trois figures majeure de la rumba congolaise aux côtés de Joseph Kabasele dit Grand Kallé et de Tabu Ley Rochereau. Son œuvre est énorme, colossale… De sa toute première chanson, « Bolingo Béatrice » à « For Ever » (avec l’incontournable Sam Mangwana), Franco dont la langue préférait taquiner, bousculer au lieu de chanter l’amour (selon propres mots), a laissé une trace indélébile dans l’histoire musicale africaine. Ses chansons peignent, avec les mots de monsieur tout le monde mais avec une puissance inégalée, la vie dans la société de naguère. Tantôt corrosive tantôt espiègle, tantôt malicieuse, l’œuvre du Grand Maître continue d’interpeller, de pousser à la réflexion et d’égayer le monde aujourd’hui encore. Il mettait le doigt là où ça fait mal et peu importe le statut social, personne n’était à l’abri avec lui. Le public voyait d’ailleurs dans la plupart de ses chansons, des quolibets contre les dignitaires du régime de l’époque avec qui il entretenait une relation amour-haine. Une chansons à la gloire de Mobutu par-ci et chanson habilement satirique par-là.
Pour un « Mobutu président », il y avait toujours un « Tailleur » contre un ancien premier ministre ou encore un « Alimatou » contre un membre du Bureau Politique du MPR, ou encore « Mario » pour ce gigolo se nourrissant aux mamelles d’une veuve de la haute société…
Manda Tchebwa, journaliste et chercheur culturel, écrit : « La musique congolaise est montée sur un trépied dont les trois pieds sont : Kabasele le chef d’orchestre, Tabu Ley le Poète et Franco le troubadour. Troubadour, ce terme correspond parfaitement à cet esprit libre, libertin qui, trente-deux ans après sa disparition, occupe toujours une place de choix dans les playlists des amoureux de la grande rumba congolaise.
Patrick/M’gm/T.N