Rwanda: l’opposant Paul Rusesabagina dans la gueule du loup!

Paul Rusesabagina, opposant Rwandais.

 

Arrêté depuis le 31 août dernier, l’opposant au régime rwandais, Paul Rusesabagina, a été récemment présenté aux médias, menottes aux poignets. Cette information a été révélée par un communiqué laconique publié par le Rwanda Investigation Bureau (RIB). « Avec la coopération de la communauté internationale, Paul Rusesabagina a été arrêté et est maintenant aux mains du RIB », a déclaré à la presse Thierry Murangira, porte-parole adjoint du RIB. Il a toutefois refusé de clarifier les circonstances de l’arrestation, arguant que cela pourrait « compromettre l’enquête ».

Le porte-parole adjoint de la RIB a accusé Paul Rusesabagina d’avoir œuvré pour un changement de régime à Kigali, et a ajouté qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international et était « soupçonné d’avoir financé et créé des groupes terroristes » opérant en Afrique des Grands Lacs. Les enquêteurs lui imputent des actes de terrorisme, des incendies, des enlèvements et des meurtres, notamment commis sur le sol rwandais en deux occasions, en juin et décembre 2018.

 

Paul Rusesabagina, présenté aux médias avec menottes aux poignets.

Entre avril et juillet 1994, au moment du génocide rwandais, Paul Rusesabagina, alors directeur hutu de l’hôtel des Mille Collines à Kigali, s’était employé, d’après plusieurs témoins, à sauver plus d’un millier de Tutsis en les abritant dans son établissement. Un acte de bravoure porté au petit écran à travers le film intitulé «Hôtel Rwanda». Pour certains Rwandais, il est considéré comme un héros, tandis que, pour le pouvoir rwandais, il est mal vu et qualifié d’imposteur.

«On ne sait pas comment il est arrivé là»

Exilé plus de vingt ans en Europe, Rusesabagina va fonder le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), avant de se lancer dans une croisade contre Kagame qu’il accuse d’anéantir toute velléité d’opposition. L’arrestation de l’opposant a suscité l’étonnement dans sa propre famille qui ne comprend toujours pas comment il s’est retrouvé à Kigali. Sur BBC, sa fille Anaïse Kanimba a réagi depuis Washington: «On ne sait pas comment il est arrivé là (au Rwanda, NDLR), il ne serait jamais allé au Rwanda de son propre chef» Elle soupçonne que son père a été plutôt enlevé à Dubaï, pour être acheminé ensuite au Rwanda.

«Il voyageait à Dubaï, a-t-elle poursuivi, il était là-bas la dernière fois que nous avons été en contact avec lui, le jeudi dernier. Depuis nous n’avons plus eu de nouvelles et avons appris à la télévision qu’il avait été arrêté!» Anaïse Kanimba dément aussi les accusations portées contre son père: «Mon père est un défenseur des droits de l’Homme, les charges dont on l’accuse sont infondées. Il est un critique vigoureux du pouvoir en place au Rwanda et on sait comment ce gouvernement fonctionne. En tant qu’opposant, il est catalogué terroriste. Il est très menacé et il faut le faire sortir au plus vite du Rwanda!» Elle affirme que sa famille a sollicité le soutien des autorités belges et américaines.»

Des morts dans des circonstances pour le moins mystérieuses

Plusieurs personnalités rwandaises, opposants ou non, sont mortes au pays ou à l’étranger dans des circonstances pour le moins mystérieuses. C’est le cas de Patrick Karegeya qui a été retrouvé étranglé dans sa chambre d’hôtel à Johannesburg, l’après-midi du 1er janvier 2014. Cet ancien directeur général des services de renseignements extérieurs de Paul Kagame a été accusé d’insubordination et de désertion. Destitué de son grade de colonel en 2006, il a été ensuite jeté en prison, avant de s’évader, une année plus tard, avant de s’exiler en Afrique du Sud. Sa famille continue de défendre la thèse d’un assassinat politique commandité par Kigali.

Le chanteur-gospel Kizito Mihigo.

En 2015, c’est le médecin personnel du président rwandais, Emmanuel Gasakure, qui a été abattu par la police alors qu’il était en détention. L’année dernière, c’était le cas de l’ancien directeur général du bureau de Kagame, retrouvé mort dans une prison militaire après avoir été condamné à 10 ans pour corruption.

Le cas le plus récent est celui du célèbre chanteur de gospel rwandais, Kizito Mihigo, retrouvé mort dans une cellule de la prison de Remera, après avoir été arrêté pour avoir tenté de traverser la frontière sud du Rwanda, afin de rejoindre, selon les autorités rwandaises, une faction rebelle au Burundi. La version officielle du gouvernement rwandais qui n’a vraiment jamais convaincu l’opposition, a plutôt fait état d’un suicide. En fait, Mihigo s’est attiré plusieurs fois la foudre du Front populaire rwandais (parti du pouvoir) dès 2013, quand il a composé des chansons remettant en question les thèses officielles à propos du génocide de 1994.

Plusieurs fois élu président de la République, Paul Kagame est de plus en plus critiqué tant au sein de l’opposition que dans les rangs de ses fidèles. On lui reproche d’avoir instauré la dictature, et commandité des assassinats ciblés. Human Rights Watch a notamment accusé et condamné le régime de Paul Kagame pour différentes exécutions sommaires, arrestations, détentions illégales et plusieurs tortures de personnes en détention.

MGM

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