Léopoldville, jeudi 30 juin 1960… Palais de la Nation, il est 11 heures! I

le roi des Belges prononçant son allocution.

«L’Indépendance, quiconque la voudra pourra la prendre aussitôt!» Le général de Gaulle le déclare sur la rive droite du fleuve Congo à Brazzaville, le 28 août 1958; mais c’est sur sa rive gauche, à Léopoldville que les effets de cette terrible phrase sont violemment ressentis… Le 4 janvier 1959, l’insurrection populaire aux cris de «Dipanda (Indépendance)» est réprimée de la manière la plus sanglante par la Force publique. Avec les hommes du général Janssens, la boucherie était inévitable… Tout comme l’Indépendance du Congo enfin proclamée le 30 juin 1960! Gros plan sur deux discours, l’un prévu et l’autre impromptu…

Déjà très tard la nuit, la veille du 30 juin, Patrice Lumumba était en possession de la copie du discours de Baudouin Ier, grâce aux contacts de son ami belge et conseiller anticolonialiste, Jean Van Lierde, au sein de la presse accompagnant le roi à Léopoldville…

C’est le ton paternaliste, voire provocateur de ce discours qui va empêcher le Premier ministre de dormir… Surtout, pour ce jour de gloire, il n’a pas pu obtenir de la partie belge ce qu’il avait sollicité. Primo, l’augmentation de salaire des Congolais à l’occasion de l’Indépendance… Deuzio, la nomination des officiers congolais… Tertio, la libération des détenus purgeant des peines mineures!

Les Belges lui opposeront un cinglant niet aux trois requêtes… Primo, «le nouvel État aura besoin d’argent pour des tâches beaucoup plus importantes…» Deuzio, «les soldats congolais n’ont même pas le niveau d’un simple adjudant»Tertio, «pour libérer les prisonniers, il va falloir attendre que le Parlement vote d’abord une loi, et que cette loi soit appliquée ensuite par le gouvernement!»

Soulagement moral pour son peuple

«Qu’allons-nous dire alors à la population? Pourquoi sommes-nous alors devenus indépendants?», va s’interroger Lumumba qui n’est pas informé des transferts des réserves de la colonie vers Bruxelles… En effet, la situation de la trésorerie congolaise à la veille du 30 juin 1960 accuse une impasse de plus de trois milliards de francs belges, donc de dollars américains (1 FB = 1 USD). En principe, le gouvernement Lumumba ne pourrait pas survivre financièrement après mi-août sans subvention!

Ces trois propositions rejetées, il voit désormais dans la réponse au discours royal une sorte de soulagement moral pour son peuple. Van Lierde reconnaîtra plus tard l’avoir incité à prendre la parole… «Patrice, tu seras à 4 mètres du micro, tu pourras intervenir!», l’encourage-t-il.

Jusqu’au matin du 30 juin dans sa voiture officielle, des témoins auraient surpris Lumumba en train de griffonner sur ses papiers… Même, lorsque le roi d’abord, et le Président Kasa-Vubu ensuite sont au micro (et c’est visible dans certaines images d’archives belges).

Tout en rendant un vibrant hommage à «l’oeuvre conçue par le génie du roi Léopold II», le discours de Baudouin Ier a un côté «papa parle à ses enfants»… Avec «c’est à vous, messieurs, qu’il appartient maintenant de démontrer que nous avons eu raison de vous faire confiance», «vos dirigeants connaîtront la tâche difficile de gouverner», «N’ayez crainte de vous tourner vers nous», «Le monde a les yeux fixés sur vous.»

A SUIVRE . . .

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