Spécial 30 juin – Marie-Louise Efekele: «Trêve de discours, passer à l’action, redonner au Congo sa dignité!»
Juriste et analyste politique résidant en Belgique, Marie-Louise Efekele fait le point sur la situation de la RDCongo qui totalise aujourd’hui, jour pour jour, soixante ans d’indépendance. Elle estime que le temps des discours, étant révolu, il n’est pas trop tard pour passer à l’action, et redonner à ce pays sa dignité!
Après de vingt-trois ans de régime léopoldien, après cinquante-sept ans de colonisation belge proprement dite, l’avènement de l’Indépendance ne pouvait augurer que des lendemains meilleurs, une ère nouvelle pleine d’espoir et de liberté… Hélas, Marie-Louise Efekele constate, comme bien des observateurs, que cela n’a pas été du tout le cas… Bien plus, en discutant avec la génération des Congolais ayant vécu l’époque coloniale, elle perçoit visiblement chez eux beaucoup de regrets du point de vue social.
«En dehors des affres de cette colonisation que nous ne cesserons jamais de décrier, fait-elle remarquer, l’honnêteté intellectuelle impose toutefois qu’en procédant à l’autopsie de la situation actuelle du Congo, nous reconnaissions malgré tout que cette période de l’histoire fut peut-être la meilleure de notre pays en termes d’infrastructures de base, les routes, les hôpitaux, les écoles, …»
Cependant, l’analyste politique estime qu’au-delà des regrets des anciens, il faut prendre conscience et faire preuve de pragmatisme… «Des leçons et enseignements, recommande-t-elle, auraient dû être tirés en toute objectivité, sans complaisance aucune par la présente génération, notre génération, pour en faire une importante mine d’expérience, une lanterne qui éclaire le parcours et éveille en nous la conscience pour le futur du pays.»
Pour expliquer d’où les nouvelles générations devraient partir pour se projeter vers un avenir radieux, Marie-Louise Efekele s’empresse de peindre le tableau du Congo à la veille de l’Indépendance: «Un pays économiquement fort au coeur de l’Afrique noire, avec des infrastructures en bon état. Il régnait l’unité ou encore la solidarité entre populations locales. Une solidarité due sans doute au fait d’avoir souffert ensemble le martyre du colonialisme, etc. Que dire de la prise en charge de qualité en ce qui concerne les soins de santé!»
Elle poursuit: «Du point de vue enseignement, le pays était une fierté même en dehors de ses frontières. Des ressortissants des pays voisins gagnaient en masse les écoles et l’université Lovanium…Tout ceci , c’est pour dire que nous ne devons pas négliger ces genres des choses , nous devons nous employer à retrouver cette place, une place de diginité. Donc, il n’est pas bon, en évoquant l’époque coloniale, de jeter le bébé avec l’eau du bain…Plutôt rappeler ces aspects positifs de l’Histoire, afin que les jeunes générations les sachent et fassent en sorte que les choses bougent véritablement dans ce pays. Si nous l’avons fait avec nos frères et soeurs de la diaspora ainsi que du pays , c’est bien! Mais tant que nous n’avons pas encore eu cette indépendance totale, nous devons continuer cette entreprise sans relâche.»
Ce soixantième anniversaire devrait relancer, d’après Marie-Louise Efekele, la croisade contre les maux qui rongent la société congolaise aujourd’hui: «Le clientélisme, le tribalisme, le détournement éhonté des deniers publics, le triomphe des intérêts personnels au détriment de l’intérêt général, le viol, le massacre, le pillage des ressources, destruction du tissu social, dépravation des moeurs, destruction du système éducatif et judiciaire, bref la mauvaise gouvernance!»
Enfin, elle recommande une auto-prise en charge au niveau de l’État congolais. «C’est vrai qu’on ne peut pas refuser une aide extérieure, mais il ne faut pas que cela soit notre priorité. L’heure est à l’action! À s’investir pour l’avenir du Congo. À ne plus rien attendre du Congo mais plutôt à rendre au Congo ses richesses et sa beauté!»